Seuls les imbéciles ne votent pas. Et seuls les imbéciles pensent que les élections ne servent à rien. Et seuls les imbéciles qui n’ont pas voté osent ensuite se plaindre de leurs gouvernants. Chaque scrutin est essentiel, et celles et ceux qui ne sont pas abrutis par CNews ou Sud Radio devraient être émus devant ces files d’attente devant les isoloirs, ces moments de communion nationale et démocratique.
Demain, comme à chaque vote, les électeurs que nous sommes, appelés à se prononcer sur des candidatures, glisseront librement dans l’urne un bulletin dont l’importance sera littéralement essentielle, stratégique. Il s’agira en effet, ni plus ni moins, de déterminer si notre pays fera fi, ces cinq prochaines années au moins, de décennies de progrès social et économique et de régime démocratique pour s’enfoncer dans un fascisme sous influence, ou s’il résistera à la conjuration des corrompus et des médiocres.
L’heure n’est plus aux finasseries alors que sans surprise une écœurante proportion de partisans du Lider Minimo voteront pour la Fille de son père (Oh, la belle gauche humaniste et responsable que voilà). Ils renverront ainsi dos à dos un chef d’Etat élu (et ne commencez pas à me fatiguer avec sa représentativité et allez voter, Bon Dieu !) et l’héritière d’un parti d’extrême-droite, autoritaire, raciste, historiquement inféodé aux ennemis de la France et de la République.
1/ Vous regrettez le général De Gaulle ? Ne votez pas pour ceux qu’il l’a combattus et qui ont essayé de l’assassiner ou pour ceux qui veulent effacer son héritage.
Mme Le Pen et les siens tentent depuis des années de nous convaincre qu’ils ne sont que d’aimables conservateurs, ponctuellement droitiers, mais au fond d’eux sincèrement démocrates. Il va de soi que rien n’est plus faux et le Rassemblement national est l’héritier direct du Front du même nom. Les esthètes que vous êtes n’auront évidemment pas oublié que le FN a été fondé par des collaborateurs notoires du Reich, dont Léon Gaultier, un officier de la SS, et que ses racines plongent profondément dans les marécages de l’extrême-droite raciste et autoritaire.
Non content d’avoir accueilli à ses côtés des Vichystes, des nazis et autres ordures antisémites, Jean-Marie Le Pen a aussi envisagé de faire évader Jean Bastien-Thiry, organisateur – notamment – de l’attentat du Petit-Clamart contre De Gaulle en 1962. On mesure là pleinement l’attachement du fondateur du FN à la République et à la démocratie. Naturellement, il est héritage plus glorieux et la Fille de son père, si elle n’a rien changé sur le fond, a du mal à assumer.
A la tête d’un parti aux origines ouvertement fascistes, elle ne renie pourtant rien du populisme, de la démagogie, ou du projet de destruction méthodique de notre constitution (voir ici, ici et là), notamment en promettant le contournement systématique de nos institutions. Autant dire qu’il est impossible de se prétendre gaulliste tout en votant pour une candidate dont le projet et les certitudes sont non seulement aux antipodes du legs du général De Gaulle mais représentent aussi tout ce qu’il affronta. Laissez les collabos avec les collabos.
2/ Vous redoutez le « parti de l’étranger » ? En voilà un, et un beau.
En quelques décennies, les joyeux drilles du FN puis du RN ont confisqué le drapeau français et rendue suspecte la moindre mention de la nation. Patriotes exigeants, attachés comme nul autre à l’indépendance de notre pays et à la défense de ses intérêts et de son peuple, ils se sont pourtant vendus comme rarement on le vit à la Russie. Financés par Moscou, et donc tenus par les services russes qui sans doute n’espéraient pas de tels pigeons depuis le recrutement de Donald Trump, les intransigeants défenseurs de notre patrie idolâtrent la Sainte Rodina autant par intérêt financier qu’en raison d’une fascination puérile pour Vlad le Défénestreur, le satrape moscovite, et pour ses complices.

Relayant sans la moindre décence (il faut dire que c’est pas trop leur genre non plus, la décence), les éléments de langage du Kremlin, mentant avec un aplomb relevant quasiment de la pathologie, soutenant sans jamais mollir le régime syrien, niant les crimes commis (pour le coup, ça, c’est bien leur genre), les membres et sympathisants du FN puis du RN ne font qu’agir contre la France. Leur projet, à supposer qu’on puisse appeler ça ainsi, n’est que la destruction de tout ce que nous avons construit, et pour le seul bénéfice de la Russie poutinienne, puissance toxique engagée dans la reconstitution d’un empire qui lui-même était intrinsèquement défaillant et a disparu piteusement.
Des patriotes comme ça, merci, on s’en passe. Les historiens les qualifient d‘ailleurs plus volontiers de supplétifs et les professionnels du contre-espionnage et de la contre-ingérence de traîtres, l’expression « intelligence avec l’ennemi » n’ayant ici guère de sens (parce que l’intelligence, c’est pas non plus tellement leur genre).
3/ Vous voulez de l’honnêteté et de la transparence ? Évitez un parti de repris de justice.
Patriotes admirables, donc, les dirigeants du RN sont également des citoyens modèles, respectueux des lois et attachés à ce titre à mener des carrières d’une parfaite intégrité. Cette constante exigence morale et ce souci d’exemplarité guident leurs pas, comme le montrent les enquêtes régulières qui les visent. Toujours prompts à dénoncer le laxisme des juges ou le laisser-aller des tribunaux, Madame Le Pen et ses sbires sont loin d’avoir un comportement exemplaire. L’histoire de leur parti évoque même furieusement une chronique judiciaire des dernières décennies, tant le FN puis le RN, parangons de vertu bien connus, ont eu maille à partir avec la justice.
Etonnamment, pour des esprits nobles n’ayant de cesse de dénoncer l’argent-roi ou la corruption des élites, ces affaires tournent toutes autour de sordides affaires d’oseille. Attachée à la justice sociale et à une lutte sans merci contre le chômage, la présidente du RN semble cependant éprouver des difficultés, régulières, à donner l’exemple.
Le fascisme ne produit jamais la gouvernance pure et désintéressée dont vous rêvez. Mussolini ne fut pas Cincinnatus, et tous autant qu’ils sont ne sont que des démagogues rêvant de luxe et certainement pas des défenseurs du peuple. D’ailleurs, parmi les dirigeants du FN puis du RN, combien vous semblent être des gens simples, abordables, partageant les mêmes préoccupations que vous ?
4/ Vous désirez la prospérité et la rationalité économique ? Évitez des idéologues irresponsables et les cancres.
Parfaitement ignorants des difficultés des plus simples, totalement incompétents en matière d’économie, les responsables du RN, à l’instar de ceux de LFI (glissons ici que le Lider Minimo vit de mandats électifs depuis 1986) n’ont qu’une lointaine idée de ce qu’est lu monde du travail. Mme Le Pen elle-même, élevée dans un vaste hôtel particulier des Hauts-de-Seine – le département le plus riche de France – n’est pas vraiment une passionaria ouvrière. Finissant par croire à leurs propres foutaises, nos apprentis-sorciers vont simplement nous abattre si on les laisse faire.
On ne devrait cependant pas s’étonner du rapport des dirigeants du RN à l’économie et au travail. Grassement rémunérés pour leurs mandats électifs, les représentants de ce parti s’illustrent surtout par leur absentéisme (souvenons-nous que cela revient à voler son employeur, qui, en l’espèce, est le peuple), parfois justifié par des arguments de collégien, ou par leur paresse.
5/ Vous êtes attachés aux valeurs de la République et au rayonnement de la France dans le monde ? Ne vous collez pas à des criminels de guerre et à des racistes.
Malgré leur importance, les questions économiques pèsent cependant moins que la nature profonde des dirigeants du RN qui, issus d’un parti de nazis et de collaborateurs, ne renient rien de leur héritage et s’entourent de compagnons de grande qualité. Marine Le Pen, qui tente désespérément de nous convaincre qu’elle adhère désormais aux règles élémentaires de la démocratie, n’a jamais négligé les photos amicales avec ces si sympathiques nazillons lyonnais, italiens ou estoniens.

Mais c’est, sans surprise, avec les esprits les plus éclairés de la Rodina qu’elle aime le plus commettre. Admiratrice assumée et enthousiaste du régime russe, soutien de Damas, comme certains des plus infâmes de ses amis, la présidente du RN ment avec un aplomb confondant sans réaliser qu’elle raconte n’importe quoi en permanence. Sa victoire demain serait celle, non seulement de la médiocrité et de l’ignorance, mais celle de la force brute au détriment du droit. La France des Lumières deviendrait la France de Pas-des-lumières, celle qui salue les agresseurs, blâme les victimes, justifie les crimes et refuse d’entendre les plaintes. Ça n’est pas notre France, et le monde en serait changé en jamais.
6/ Vous voulez l’ordre et le respect de la loi ? Ne votez pas pour un parti de voyous et de miliciens.
Pays de raison et de fraternité, la France serait donc gouvernée demain soir par des petites frappes ? Il ne s’agit pas de contester la colère des électeurs qui ont choisi de voter pour le RN mais bien de leur rappeler que ce parti, loin d’être une solution, est une partie du problème. On ne devrait pas confier la gestion d’un pays à des miliciens refusant la presse libre, ayant un comportement de chemises brunes, de membres du KKK ou simplement de minets en pleine crise d’adolescence. On ne gouverne pas dans la rue ou par la rue.
7/ Vous aimez la science, celle qui guérit, envoie dans l’espace et fait tourner le monde ? Ne votez pas pour les partisans de gourous ou pour des brutes analphabètes.
Forcément, avec une telle bande de poètes et d’intellectuels, le rapport à la raison et à la science est un peu troublé. Par pure ignorance, par incompétence, par populisme, par calcul ou simplement en raison d’un goût puéril pour les provocations imbéciles, on trouve au RN et chez ses sympathisants une impressionnante collection de fronts bas aux croyances ineptes. Qu’il s’agisse de bêtise chimiquement pure ou de l’expression d’une frustration d’avoir été exclu d’un système fantasmé et honni, celles et ceux qui refusent la science font le lit de l’obscurantisme le plus épais et le plus dangereux.
La crise sanitaire a permis de contempler le fascinant refus par l’extrême-droite de la vaccination – ses responsables jouant malgré tout la sécurité, pas si bêtes – et le jeu irresponsable qu’elle a joué. Rien que cette inconséquence révèle la nature du projet de Marine Le Pen : un mélange hautement toxique de certitudes idéologiques moisies et de mépris pour ses propres électeurs. Les conséquences de ses actes importent peu, la réalité est négociable et seul compte le pouvoir. Et, évidemment, rien n’est jamais de sa faute.
Il est temps de rappeler ici quelques vérités durement, cruellement, apprises. L’extrême-droite, une formule hypocrite pour qualifier le fascisme, c’est la guerre, la haine, la division, les inégalités érigées en mode de gouvernement. C’est la fin de la raison, la fin de la justice, la disparition des droits fondamentaux, la détestation de l’autre, le règne de la violence aveugle, totale, absurde, impunie. Si ce mal devait nous frapper demain, comment pourrions-nous en guérir sinon au prix de souffrances inimaginables ? Si demain la France devait se perdre ainsi, comment pourrions-nous la sauver ? Le monde le pourrait-il ? Et qui sauverait le monde ?
A la veille du scrutin le plus important depuis des décennies, ne nous laissons guider par le vertige de la perte, la tentation du mal, la lassitude ou l’indifférence blasée. Ne nous laissons pas séduire par le pire et dépassons les ambiguïtés, voire le jeu extrêmement dangereux du Lider Minimo, démagogue vociférant faussement républicain. Ne reproduisons pas les erreurs tragiques des communistes allemands, aveuglés (ils le sont toujours) et choisissons le futur plutôt que le pire des passés. Et n’oublions pas que face aux médiocres et aux aigris, la compétence et l’ambition ne sont pas des marques d’arrogance mais des qualités rassurantes et indispensables.