Réalisateur, scénariste, producteur, rédacteur en chef de Starfix, fondateur de la défunte revue HK consacrée au cinéma asiatique, Christophe Gans défend, étudie et pratique depuis le début de sa carrière le cinéma de genre, hélas avec plus ou moins de bonheur. On pourra ainsi se passer de son adaptation de Crying Freeman, le manga bien connu, sortie en 1995 et outrageusement inspirée de John Woo :
Culte et (pourtant ? Donc ?) ridicule, Crying Freeman révélait l’aisance technique de Gans et aussi l’influence prépondérante qu’avait sur lui le cinéma d’action de Hong-Kong : arts martiaux, ralentis, virtuosité technique et images léchées. On retrouva ces caractéristiques dans Le Pacte des loups, un film d’action baroque sorti en 2001 qui constitue sans nul doute sa meilleure production.
Produit par Canal+ et Metropolitan, tourné avec d’importants moyens et bénéficiant de seconds rôles de luxe (Jean Yanne, Jean-François Stévenin, Jérémie Rénier, Monica Bellucci, Philippe Nahon, Edith Scob, Bernard Farcy, Johan Leysen, et même les regrettés Jacques Perrin et Gaspard Ulliel – qui jouait là son premier rôle dans un long-métrage), le film met en avant Samuel Le Bihan, Vincent Cassel, Émilie Dequenne (dans son premier rôle après Rosetta (1999, Jean-Pierre et Luc Dardenne) et Marc Dacascos, qui était alors une étoile montante du film de torgnoles et pas encore le présentateur d’Iron Chef ou le méchant de John Wick 14.
Long (2h22), ambitieux, Le Pacte des loups revisite l’affaire de la Bête du Gévaudan en reprenant à son compte les théories les plus fantaisistes et en les mâtinant de tout ce qu’aime Christophe Gans (et sans doute son coscénariste Stéphane Cabel) : les arts martiaux, le fantastique, les atmosphères pesantes et les ambiances flirtant avec le cinéma d’horreur. Inspiré de faits réels, le film prend ainsi de nombreuses libertés avec l’Histoire et crée un cocktail aux anachronismes étonnamment séduisants. Son charme vient aussi de ses références, de ses hommages, voire de ses emprunts, à des classiques de la littérature et du cinéma de genre, Le Chien des Baskerville, une des plus célèbres enquêtes de Sherlock Holmes, le légendaire détective privé créé par Sir Arthur Conan Doyle, publiée en feuilleton à partir de 1901 ; et Predator, le monument de John McTiernan sorti en 1987.
Récit de chasse puis de traque, enquête policière sur fond d’intrigues politiques, survival movie aux relents de surnaturel, Le Pacte des loups mêle habilement des éléments anciens au cœur d’une histoire légendaire dont ils enrichissent les développements. En traquant une créature inconnue qui frappe sans pitié dans les campagnes, en découvrant qu’elle n’est sans doute pas ce qu’on dit qu’elle est, en affrontant les intrigues politiques locales, en se heurtant à la raison d’État, Grégoire de Fronsac et Mani vivent ce qu’ont vécu le major Dutch et ses hommes dans la jungle du Val Verde.


En opposant la raison à la superstition et la peur, Fronsac fait montre d’une rigueur et d’une lucidité dignes de Sherlock Holmes. Mani lui-même, en faisant appel à ses talents de pisteur et à aux connaissances de son peuple pour traquer la Bête, ne peut qu’être comparé à Billy, le commando amérindien qui discerne des choses inquiétantes dans les arbres.
Ce tableau simple permet de mieux percevoir les influences réunies dans le film :

Film de genre remarquablement réussi, série B de grande tenue, Le Pacte des loups offre un divertissement de qualité. Si certains de ses interprètes ne sont pas la hauteur, l’ensemble est cependant particulièrement plaisant et l’œuvre reste par ailleurs presque unique en son genre. Autant dire qu’on ne s’en lasse pas.