Fascinant, rapidement devenu culte, Predator, le monumental deuxième film de John McTiernan, sorti en 1987, a mécaniquement généré une série de suites, la plupart d’une accablante médiocrité. En 1990, Predator 2 avait douché les espoirs des spectateurs du premier opus et vingt ans plus tard Predators, en alignant les références appuyées au premier film, s’était révélé regardable. The Predator (2018) avait ensuite réussi l’exploit d’être au moins aussi mauvais que Predator 2 et avait donné le sentiment que la franchise était maudite et condamnée à être gâchée par des cinéastes lamentables et pillée des producteurs au front bas.
Les possibilités, pourtant, ne manquaient pas et une troupe d’amateurs diffusa même en 2015 un court-métrage dont l’intrigue forcément minimale et évoquant un scénario de jeu-de-rôle pour débutant ne cachait pas les qualités.
Preuve était faite qu’il ne s’agissait pas de moyens mais bien de goût et d’un minimum de travail. On pouvait donc s’inquiéter en apprenant que Disney allait produire un ambitieux nouvel épisode pour sa plate-forme Disney+. Sachant que le vénérable studio avait littéralement ravagé la franchise Star Wars en produisant les calamiteux épisodes VII, VIII et IX, il y avait de quoi redouter le pire. La surprise est donc d’autant plus agréable :
Réalisé par Dan Trachtenberg, auteur en 2016 du très remarqué 10 Cloverfield Lane et coauteur du scénario avec Patrick Aison, Prey s’impose dès la première vision comme la seule suite digne de nom de Predator. Actuellement à la première place dans le classement IMDB dans films les plus populaires, ce nouveau chapitre a suscité un enthousiasme à la hauteur des attentes, aussi bien de ses qualités de mise en scène et d’écriture que de sa fidélité – enfin ! – au classique de McTiernan. Reprenant les grands thèmes chers au cinéaste (on y reviendra sur ce blog dans quelques semaines), Prey relate l’affrontement entre la fameuse créature et des chasseurs, en l’espèce des Comanches au début du 18e siècle, devenus des proies.
Fidèle à son modèle, et notamment à ses effets spéciaux modestes, le film de Dan Trachtenberg ne montre que progressivement le Predator et laisse les humains prendre conscience qu’il y a « quelque chose dans les arbres ». Alors que Predators alignait références appuyées et hommages lourdingues, Prey évite le fan service et ne fait qu’une poignée de clins d’œil, tous cohérents et bien dosés. Il vaut d’abord par son personnage principal, une jeune Comanche, Naru, incarnée par Amber Midthunder, désireuse de gagner son rang parmi les guerriers de sa tribu.
Des esprits chagrins (comme ici un commentateur fragile) ont pu déplorer que le film relève de la très fantasmée idéologie woke. En réalité, dès 1987, l’équipe du major Dutch était très colorée – bien plus que la rédaction ou le lectorat du Figaro – et le film se moquait de la virilité exacerbée, et inutile dans la jungle du Val Verde, des commandos américains.

Déjà à l’époque, l’alerte était donnée par Billy, l’éclaireur indien dont Naru pourrait être une lointaine aïeule (elle-même étant une peut-être une cousine de Mani), et la clé de l’énigme était apportée par Anna à l’occasion d’une scène véritablement mythique.
Autant dire qu’il ne faut pas s’attarder sur les plaintes de quelques commentateurs à la virilité angoissée, sans doute choqués, qui plus est, par l’image que donne le film des trappeurs français, sales, violents, et massacreurs de bisons (ce qui, pour le coup, n’est sans doute pas historiquement fondé, mais on s’en moque). Si Prey porte un message, c’est celui de l’égalité entre les genres. Naru, jeune femme courageuse, intelligente, indépendante, ambitieuse, tenace, est la dernière-née des fameuses héroïnes Disney, et sans nul doute une des plus sympathiques et des plus inspirantes. Le film, à cet égard, est bien plus positif que celui de 1987 et on ne peut que s’en féliciter. Il est surtout très agréable à regarder et passe aisément le test d’une seconde vision. Après les bouses précédentes, on ne va pas se priver.
